“ABOU LEILA” ET “LE JEUNE AHMED” PROJETÉS À CANNES : Au cœur de la violence intégriste

Ces fictions des réalisateurs Amin Sidi Boumediene et les frères Dardenne ont été présentées respectivement dans la section “Semaine de la critique” et en compétition officielle. Et le point commun de ces deux films est la violence générée par l’enfermement.

Le retour du soleil sur la Croisette n’a pas découragé les festivaliers à remplir les salles. Même les films des sections parallèles sont pris d’assaut. Parmi les derniers films qui ont été présentés, on retrouve Abou Leila d’Amin Sidi Boumediene dans la section “Semaine de la critique” et Le jeune Ahmed des frères Dardenne en compétition pour la Palme d’Or. Le point commun de ces deux films est la violence qui est générée par l’enfermement. Ainsi les deux films ont soufflé un petit vent d’inquiétude sur la Croisette. Avec le premier, Amin Sidi Boumediene surprend par la maîtrise de son œuvre. La projection a été suivie d’un tonnerre d’applaudissements qui, au grand bonheur de l’équipe présente, a duré quelques minutes. Visiblement, la décennie noire, l’angoisse et la violence montrées à l’écran ne font pas peur aux festivaliers.

Le film commence par un ancrage spatial et temporel : Algérie, 1994. Puis une scène d’assassinat d’un intellectuel par le terroriste Abou Leila et un accrochage entre ce dernier et des policiers. S. et Lotfi, deux amis d’enfance traversent le désert à la recherche de l’assassin. “La poursuite semble absurde, le Sahara n’ayant pas encore été touché par la vague d’attentats. Mais S., dont la santé mentale est vacillante, est convaincu d’y trouver Abou Leila. Lotfi, lui, n’a qu’une idée en tête : éloigner S. de la capitale. Pourtant, c’est en s’enfonçant dans le désert qu’ils vont se confronter à leur propre violence.” Le réalisateur a emprunté la voie du road-movie, du symbolisme, de l’onirisme et de la parabole pour évoquer le déchirement et restituer la violence qui habite l’humain.

Après le réaliste et allusif court-métrage, Demain Alger, et le surréaliste L’Île, Sidi Boumediene mixe le réalisme, le symbolisme et le surréalisme pour traduire un univers si familier que les Algériens s’efforcent d’oublier. Malgré quelques longueurs, le film se distingue par une originalité d’approche et les thèmes abordés. Quelques références, conscientes ou inconscientes, sont facilement repérables, on retrouve un zeste de Tarantino adouci, notamment dans les scènes de violences et un soupçon de Hamina, dans la mise en valeur d’un anti-héros interprété merveilleusement bien par Slimane Benouari. En effet, le personnage de Lotfi rappelle à plusieurs égards Hassan Terro. Un personnage poltron qui est pris au cœur de l’action et qui devient héros malgré lui. Concernant Le Jeune Ahmed, les Dardenne ont livré un drame social ancré dans une brûlante et inquiétante actualité et avec lequel il brigue une 3e Palme d’or. Cependant le film est parfaitement maîtrisé et prenant. Il met en scène un jeune de 13 ans radicalisé. Tout le long de cette œuvre, les réalisateurs ont montré un personnage antipathique et détestable, même si l’enfance du personnage sème la confusion. Après Rosetta en 1999 et L’Enfant en 2005, avec Le Jeune Ahmed, les Belges ambitionnent de réaliser l’exploit de recevoir trois Palmes. Mais cela semble improbable !

Tahar Houchi

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