Une complexité à découvrir

Les livres sur l’islam sont nombreux. Cependant, l’approche reste souvent la même : elle oscille entre le théologique et l’historique. Les analyses transversales sont très rares. Dans Les derniers jours de Muhammad (Albin Michel) de Hela Ouardi, professeur à l’Institut supérieur des sciences humaines à l’université Tunis El-Manar, et membre associé du Laboratoire d’études sur les monothéismes du CNRS, en fait partie. À travers son ouvrage, la chercheuse mène une contre-enquête pour élucider les mystères qui entourent les derniers jours de la vie du prophète Mohammed, mort en l’an 11 de l’hégire (juin 632).

Tout commence à Médine en juin 632. Sous le soleil accablant de l’Arabie, le temps semble s’être arrêté : le Prophète de l’islam a rendu son dernier souffle. Autour de lui, les fidèles de la nouvelle religion, plongés dans la sidération, tremblent à l’idée que la fin du monde soit proche. Mais où sont passés ses compagnons ? Quelle est cette étrange maladie qui l’a terrassé en quelques semaines ? Et pourquoi l’enterrement n’a-t-il pas eu lieu ?

À plusieurs égards, cette publication est très intéressante. D’abord, de part son originalité à interroger les origines de la naissance de l’islam à la lumière des connaissances socio-historiques et anthropologiques, sans pour autant négliger l’aspect théologique. Ce qui nous éloigne des approches mythiques autorisant l’auteur à se poser toutes les questions sur cette période, notamment les derniers jours du Prophète. Parmi les questions soulevées, figurent l’empêchement du Prophète d’écrire son testament par ses compagnons dont Abou Bakr, la vie sensuelle du Prophète avec sa femme Aïcha, les convoitises du pouvoir par ses divers compagnons qui ont mené à des guerres fratricides atroces. Par cette approche, l’auteur redonne au Prophète et ses compagnons leur dimension humaine. Ce livre est intéressant, car il a été publié (en mars dernier) à un moment où le débat sur l’islam est à son apogée. Le discours dominant est surtout théologique quand il n’est pas carrément partisan. Chacun va de son histoire en s’improvisant spécialiste en s’arrogeant le droit de devenir prédicateur.

À noter que Les derniers jours de Muhammad restitue les points de vue les plus contradictoires. Entre les sources des orientalistes et les musulmans, entre les diverses tendances de l’islam dont les plus dominants restent les sunnites et les chiites. Ce qui n’est pas facile car cela demande une connaissance pointue des multiples références à ce sujet. La complexité est telle que parfois dans le même courant on retrouve des avis divergents sur un même événement. En substance, pour le lecteur – croyant ou agnostique – cet ouvrage est une vraie descente dans l’abîme de perplexité.

Tahar HOUCHI

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