Baisser de rideau à Locarno

La paisible ville de Locarno, située face au Lac Majeur, dans la partie tessinoise de la Suisse, s’est transformée en véritable fourmilière, pour les premiers jours de la 69e édition du Festival de Locarno du 3 au 13 août.

Bien avant la fin, la localité a commencé à se vider peu à peu. Les professionnels la quittaient malgré  la présence  annoncée d’invités de marques, comme le Britannique Ken Loach, détenteur de la Palme d’or, laissés pour la fin. La première nouveauté qui s’impose aux visiteurs habitués qui viennent de toute la Suisse et de l’Italie voisine est la forte présence policière. En effet, un important dispositif sécuritaire a été mis en place. Alors que les accès importants sont gardés par des policiers avec des armes lourdes, le filtrage et les contrôles sont assurés par des boîtes de sécurité privées. Les voitures de police sillonnent inlassablement la ville.  Cela intervient à un moment où la Suisse se prépare à durcir sa loi en introduisant un article spécifique contre le terrorisme, comme le rapporte le journal SonntagsBlick.

“Avec le temps, la réalité se confond avec l’écran”, nous affirme Aline, une habituée du festival. Visiblement, à part quelques lourdeurs lors des contrôles, les festivaliers semblent intégrer ce nouvel élément et plonger avec insouciance dans un bain filmique “jouissif”. Côté films, le festival est résolument tourné, comme à ses habitudes, vers le cinéma européen et américain. Cependant cette année, il montre une petite ouverture au film en provenance d’Afrique Nord, notamment d’Égypte et de Tunisie. Le cinéma des Pharaons est de nouveau à l’affiche du festival, après 17 ans d’absence. Yousri Nasrallah y a participé, en compétition officielle, avec Al-Maä wal Khodra wal Wagh Al-Hassan (Le ruisseau, le pré vert et le doux visage), et le jeune Mohamad Hammad y fut présent avec Akhdar Yabès (terre sèche) projeté dans la section Cinéaste du Présent. L’équipe du premier film sera présente au prochain Festival méditerranéen d’Annaba, comme nous l’a affirmé à Locarno son commissaire Said Ould Khlifa. La Tunisie quand à elle, elle fut présente en hors-compétition avec Zaineb n’aime pas la neige de Kaouther Ben Hania et dans la Semaine de la critique avec Business as usual  d’Alex Pitstra, né Karim Alexander Ben Hassen.

De son côté, Daesh s’est invité à la Piazza Grande avec Le ciel attendra  de  Marie-Castille Mention-Schaar. Ce film très attendu  a été suivi par une foule immense. Il a suscité beaucoup d’émotion auprès du public européen. La preuve : ses comédiennes se baladant à Locarno sont applaudies partout sur leur passage. Pourtant le film manque d’épaisseur dans son approche de la radicalisation et dé-radicalisation des femmes prétendant au djihad en Syrie. En discutant avec la communauté maghrébine installée dans la région, les conséquences des attentats commis au nom de l’islam les ont mis mal à l’aise. “On nous accuse de ne pas dénoncer. Mais même si on veut le faire, on n’a pas accès aux médias”, nous affirme Djamel,  un résidant de Locarno. Lors de la projection, on a aperçu plusieurs femmes portant le hijab. Nous avons approché Amina qui nous a affirmé : “Je suis ici car je suis curieuse de voir ce film et montrer aussi  aux autres que notre habit ne fait pas de nous des terroristes” avant d’ajouter : “Même si le film est léger, j’aurais aimé voir plus de femmes en hijab afin de montrer que nous n’avons rien à voir avec ces pratiques barbares que nous dénonçons”. De leur côté, les réalisateurs en lice continuaient à échanger avec le public et à espérer de capturer un des léopards qui imposent leurs taches sur tous les écrans, les sacs et murs locarnais.

Locarno, Tahar HOUCHI

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