SON FILM “PAPICHA” RETENU DANS LA SECTION “UN CERTAIN REGARD” : Mounia Meddour fascine les festivaliers sur la Croisette

Tous ont salué ce film qui fascine, remue et perturbe. Le réalisateur de “La Montagne de Baya” aurait eu les larmes aux yeux de voir sa fille au sommet de cette montagne cinématographique qu’est le festival de Cannes !

Cannes. Temps maussade. Les festivaliers sont pressés. La queue s’allonge. Les discussions aussi. On vient voir le très attendu Papicha de Mounia Meddour. Les agents de sécurité, cette fois-ci sans Julien Bérard qui adore le cinéma algérien, ouvrent les portes. La ruée ! À l’intérieur, la salle Debussy est comble. Le directeur du festival monte sur scène et invite la réalisatrice à le rejoindre. Elle est accompagnée de son producteur algérien Belkacem Hadjadj et ses actrices qui apportent une touche glamour à la séance.

Le public plonge dans le film à travers une scène initiale d’angoisse, de violence et de peur. Un écriteau plante le décor. Nous sommes dans les années 92, à Alger.

Les plans serrés, la nervosité de la caméra, le montage rapide et les coupures brutales des séquences demandent beaucoup d’attention et de concentration pour suivre. Cela installe le spectateur dans une certaine nervosité agaçante.  À travers le film le spectateur suit Nedjma, 18 ans, étudiante habitant dans une cité universitaire qui affiche son désir de vivre. Les islamistes s’y opposent. Sa sœur Linda est assassinée. Au lieu de se résigner, elle décide de se battre en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits. La violence islamiste redouble de férocité. Les armes sont inégales… Sur le générique, on lit que le film est dédié à Azzedine Meddour par sa fille. Un tonnerre d’applaudissements et une standing ovation de quelques minutes ont suivi la fin de la projection. Tous ont salué ce film qui fascine, remue et perturbe. Le réalisateur de la Montagne de Baya aurait eu les larmes aux yeux de voir sa fille au sommet de cette montagne cinématographique qu’est le festival de Cannes ! Que faut-il retenir de ce film ? Le propos mesuré voudrait saluer le courage et la patience d’avoir monté un tel film dans un pays où le cinéma est mis sous contrôle de l’État, en co-production avec une France qui a toujours du mal à se débarrasser de ses clichés. Des années de travail, de réflexion et de conciliation de plusieurs intérêts. Il faudra aussi relever le caractère fort de la réalisatrice qui a emprunté des chemins d’expression qui déstabilisent. Terminer les séquences d’une manière sèche, à l’instar des scansions lacaniennes, cette technique permettant la mise à jour de l’inconscient, dénote la confiance d’imposer une signature. Pratiquer des ellipses longues laissant au spectateur le choix de relier les séquences engendrant des incompréhensions reflète l’entêtement de la fille de Meddour qui a voulu imposer sa griffe.

Nonobstant, à certains endroits le film se veut sensuel et consensuel. On se réjouit de voir la sensualité revenir dans le cinéma algérien. Comme dans Jusqu’à la fin des temps de Yasmine Chouikh, Mounia a offert quelques rares moments de tendresse, mais a manqué d’audace à bousculer l’ordre moral. Le spectateur ressort déçu que les baisers et les scènes d’amour soient uniquement suggérées. Dans le film on note aussi la présence de certains clichés à travers parfois un regard ethnographique, comme la démonstration sur le haïk, le hammam ou la violence des hommes… Même si la réalisatrice a tenté d’apporter quelques nuances, notamment concernant le machisme des hommes, il n’en demeure pas moins, que le trait est forcé. Sur le plan cinématographique, la réalisatrice a opté pour la démonstration au détriment de l’expression cinématographique. Les choix esthétiques de la réalisatrice, cités plus haut, font que les moments de grâce cinématographiques manquent. Nonobstant, ce film a tous les ingrédients pour cartonner dans les salles en Europe alors que concernant ses prétentions dans la compétition, au vu de la concurrence, quelques doutes subsistent. Mais un Prix spécial du Jury n’est pas à exclure. Quoi qu’il en soit, on aura retenu qu’il a fasciné les festivaliers sur la Croisette.

Tahar Houchi

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