Aït Ahmed : émouvante cérémonie à Lausanne

Plusieurs personnalités et beaucoup d’anonymes ont tenu à lui rendre hommage

On pensait participer à un hommage intime, mais les rugissements du Lion du Djurdjura ont porté loin.
Finalement, il a eu droit à un vibrant hommage officiel de la part de la Suisse, amicale et populaire, puisque beaucoup d’Algériens ont pris congé pour y assister.

Depuis l’annonce du décès du dernier chef historique de la Révolution algérienne, on savait qu’une cérémonie d’hommages se tiendrait à Lausanne. Mais rares sont ceux qui savaient l’heure et le lieu. C’est lundi au soir que le faire-part a circulé via les réseaux sociaux. On pensait participer à un hommage intime, mais les rugissements du Lion du Djurdjura ont porté loin. Finalement, il a eu droit à un vibrant hommage officiel de la part de la Suisse, amicale et populaire, puisque beaucoup d’Algériens ont pris congé pour y assister. La cérémonie est prévue pour 11 heures au centre funéraire de Montoie, à Lausanne. On arrive sur les lieux à 10h30.

Le parking est déjà quasiment plein. À peine mis pied à terre, on croise le chanteur Idir qui a fait le déplacement depuis Paris. “Je ne peux manquer une occasion pareille. Je suis là pour rendre hommage à un homme qui a été un guide non seulement pour moi, mais pour toute une nation”, nous confie-t-il. Beaucoup de visages familiers.On fait quelques pas avec Idir et c’est Salah Aït Ahmed, le fils aîné, qui vient saluer avec amabilité. Il est là, courageux et simple, pour accueillir les invités.

Dans la salle, il y a déjà beaucoup de monde. Des citoyens algériens vivant en Suisse, des diplomates, des officiels helvétiques et algériens, des représentants d’organisations internationales, des personnalités politiques suisses. Devant la salle, une nuée de personnes s’est formée autour de la veuve Djamila, une petite femme qui dégage une pureté incroyable. Nous l’approchons et nous lui exprimons notre sympathie et nous lui présentons nos condoléances.

Elle nous répond avec une force et une sagesse désarmantes : “Je souhaite, aussi, que sa lumière et bénédiction soient sur vous, sur la Kabylie et toute l’Algérie.” Autour d’elle sa fille Bouchra s’agite, salue et donne des directives. Jugurtha, son autre fils, est devant le cercueil, mais son regard se balade dans la salle. Les officiels algériens, dont Mohammed Guendi, l’ambassadeur d’Algérie en Suisse, sont placés au premier rang.
À côté, vient s’installer Taleb El-Ibrahimi, trahi par sa force physique. Juste un peu plus loin, on voit Mohamed Sahnoun, ex- représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et de l’Union africaine pour la région des Grands-Lacs, et Slimane Cheikh, ambassadeur de l’organisation de la Conférence islamique à Genève, qui ont tenu à être présents pour saluer pour la dernière fois “un esprit, un démocrate et un visionnaire”.

Quelques notes de piano annoncent le début de la cérémonie. Souad, une ami de la famille, se retourne vers nous, essuie une grosse larme et nous chuchote : “La dernière fois que nous l’avons vu avec ma fille, il nous a joué du piano !” La maîtresse de cérémonie, avec son accent vaudois, impose le silence et la concentration. Avant d’ouvrir la cérémonie, elle a rappelé la valeur de ce démocrate qui a été engagé dans la défense des droits de l’Homme sur la scène internationale, et qui a choisi la Suisse comme terre d’asile et de base arrière pour ses actions politiques en faveur des peuples opprimés.

La reconnaissance officielle de la Suisse s’est matérialisée par la prise de parole de Madame l’ambassadeur Muriel Berset Kohen, représentante du Département fédéral de justice et police, qui, dans son allocution, a exprimé “sa sympathie, son soutien, sa solidarité et sa reconnaissance” envers la famille du défunt et des Algériens qu’ils soient en Suisse ou dans leur pays.

L’historien Mohamed Harbi a été empêché par ses problèmes de santé d’être présent. Son message de sympathie a été lu par Jugurtha Aït Ahmed.A contrario, Annie Mecili qui était présente, s’est montrée très digne et émouvante. Dans sa prise de parole, elle a partagé avec la salle l’amitié, forte et indéfectible, qui liait le défunt avec son mari assassiné à Paris.

Une “amitié jubilatoire”, dit-elle, qui repose sur un “même espoir et une même vision de l’avenir démocratique de l’Algérie”. Et de conclure : “C’est un vrai bonheur de les voir ensemble. Et ma présence ici est une reconnaissance pour le soutien qu’il a apporté à toute notre famille pour supporter l’absence et continuer le combat pour la justice.” La sale a eu droit à une petite pause avec un morceau du musicien Chostakovitch. Après cela, c’est sa fille Bouchra qui a pris le micro pour rappeler que son père a été “un amoureux des gens de tous les pays et de toutes les langues, un homme de cœur”. Puis, elle enchaîne en soulignant, comme pour répondre à Annie Mecili, aussi “l’amitié et la foi en la justice qu’il partage avec Ali Mecili”. Elle termine par la lecture d’un poème écrit par son père vers 1964, dans les geôles algériennes. L’émotion atteint son paroxysme avec la montée sur scène, sur une chaise roulante, de Nna Aldjia, mère de Matoub Lounes, pour chanter un chant liturgique.

Suite à cela, la parole est donnée à plusieurs personnes suisses et algériennes : tous ont témoigné de la grandeur et de la valeur inestimables de celui qui gît devant une salle émue. Pour terminer, c’est le chanteur Idir qui est invité à parler de l’autre facette du renard politique, à savoir “l’amoureux de la musique, de la peinture et de l’art”.

En guise d’hommage et de clôture de la cérémonie, il prend sa guitare et interprète une chanson qui évoque son légendaire ancêtre Mohand Oulhocine. La salle se vide doucement et silencieusement en passant devant le cercueil de Si L’hocine qui arrivera à Alger demain.

Dehors, les gens ont profité de l’occasion pour s’échanger des nouvelles et des souvenirs  avec le leader, débattre de la politique du pays et rêver d’une Algérie meilleure.

T. H.

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