Beyrouth, entre cinéma juvénile et tension. 8è édition du NDU International Film Festival.

A quelques kilomètres de la menace du Daech, Beyrouth a accueilli pour la 8e fois le NDU International film festival, organisé par Notre Dame University Louize, et ce du 9 au 16 novembre. Initialement réservé aux étudiants, le festival s’est ouvert pour accueillir des films du monde entier. Ainsi, les films de réalisateurs confirmés côtoient des œuvres de réalisateurs en herbes.

Au programme plus de 100 films dont deux évoquent l’Algérie. Il s’agit de «Ode à ma mère» du Libanais Georges Chamchoum et de «Soto Voce» du marocain Kamal Kamel. Le premier, produit par Ferial Masry, se veut un hommage à l’artiste saoudienne Tahra Abdul Hafiz Al-Siba’i qui a travaillé sur la tradition vestimentaire algérienne.

Le second, quand à lui, plonge les festivaliers dans la guerre du peuple algérien contre le colonialisme. Le réalisateur mélomane livre un film choral et polyptique, fonctionnant comme une symphonie envoutante, sur une tragédie annoncée d’un groupe de sourds-muets envoyés dans une mission impossible. Celui-ci, accusé d’assassinat d’un colon fuit Béchar pour le Maroc. Le FLN voulant percer la ligne Morice décide de leur faire traverser la frontière de Oujda plutôt que celle de Béchar. C’est la Révolution qui sacrifie ses enfants les plus faibles pour que l’idéal puisse se concrétiser. Pour traiter cela, Kamel Kamel se place résolument du point de vue humain afin de donner une dimension universelle à la Révolution algérienne.

La musique, les images, les comédiens, les détails, les silences et l’opéra sont mis à contribution au profit de la vibration du spectateur. Tout en faisant preuve d’une rarissime maitrise de la fusion des divers genres d’expression artistique, le cinéaste donne une occasion unique à Ahmed Benaissa d’offrir une prestation magistrale dans la quelle il a donné libre cours à son cœur. C’est derrière ce regard triste et profond de Benaissa pointant un horizon invisible que se déroule l’histoire du film ponctuée par des actes d’opéra. Il serait mal placé de demander au réalisateur de mettre en valeur la tragédie algérienne, à l’instar de beaucoup de réalisateurs algériens, au détriment de ces sacrifiés pour un idéal suprême.

Nonobstant, à coup sûr, le film gagnerait en force et en clarté, si dans sa scène d’exposition ce dernier avait mis en évidence l’inhumanité du colonialisme lequel a poussé les révolutionnaires aux sacrifices parfois inhumains. Le public, de son côté, n’a pas manqué de faire des liens avec les révolutions récentes. Pailleurs, incontestablement, le film phare de cette édition vient de l’Iran. Il s’agit de Fish and Cat du jeune iranien Shahram Mokri. Plusieurs fois primé, l’oeuvre est basé sur des éléments très simples. Des restaurateurs du nord de l’Iran condamnés pour avoir servi de la viande humaine à leurs clients. Un groupe d’étudiant(e)s, participant à une compétition de cerfs-volants, campent aux abords d’un lac à l’orée d’une forêt où rôdent deux hommes étranges. En une seule prise de 134 minutes, Shahram Mokri plonge le spectateur dans une angoisse permanente. Cet exercice périlleux a demandé des prouesses techniques et intellectuelles remarquables. On a l’impression que la caméra est manipulée par une main qui accomplit diverses figures géométriques sur un espace vide.

Ces films de qualité ne sont pas passés inaperçus. Ils sont légion les étudiants qui les ont suivi avec attention. Ces derniers sont aussi au festival pour montrer leurs films. Pas moins de 70 films venant de plus de 12 universités sont montrés. La qualité des films est inégale. Pendant que certains excellent dans la technique, d’autres brillent avec l’originalité des idées. Il reste cependant des faiblesses dans les scénarios. Sur le plan thématique, nous avons noté que la jeunesse relègue au second plan la guerre, très présente dans le cinéma libanais, au profit de notamment de l’amour et de la musique.

Avec ces 12 universités qui dispensent des formations en audiovisuelles, les jeunes libanais passent pour les plus lotis des pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Cependant, en matière de liberté, ils ne sont guère avantagés puisque la censure les guette. La politique et le sexe sont les sujets favoris des censeurs. Ainsi plusieurs films libanais dont ceux de simples étudiants sont frappés du sceau de l’interdit. Pour lutter centre cela, les organisateurs ont consacré une soirée spéciale à « l’Art interdit ».

Lors du débat, Sam Lahoud, professeur de cinéma, a souligné que la situation frise le ridicule : « On interdit des films d’étudiants qui montre la nudité alors que les télévisions, sans êtres inquiétés, assènent des absurdités et cultivent la haine.» a-t-il souligné. Et d’ajouter « nous préférons comme on le fait dans notre festival, mettre en évidence les valeurs de dialogue, de respect et connaissance mutuel » C’est ce message que le festival veut lancer depuis cette ville martyre qui vit normalement malgré le chaos des pays voisins. « Le Liban ne peut vivre dans un paradis entouré d’explosions » titre le journal Al Safir. Pourtant, mis à part les infos radiophoniques dans les taxis, les titres de journaux ou les refugiés syriens dont les  enfants vendent des roses jours et nuits, les Beyrouthins n’affichent guère d’inquiétudes sinon des plaintes concernant la cherté de la vie. Quoi qu’il arrive  « A Beyrouth, la joie renait toujours de ces cendres. », nous confesse un vieux chauffeur de taxi.

Beyrouth, Tahar HOUCHI.

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