Cannes 2025 : présenté en Compétition officielle, «Un simple accident» (Yek tasadof-e sadeh), de Jafar Panahi, remporte la Palme d’or.
Tourné clandestinement, le dernier opus du cinéaste iranien confronte, au hasard du destin, bourreaux et victimes à travers la critique du régime dictatorial des mollahs.
Jafar Panahi est déjà venu à plusieurs reprises sur La Croisette et a participé à la Compétition officielle de Cannes en 2018 avec le film «Trois visages» (Se rokh). Il a également remporté le prix de la Caméra d’or pour le film «Le Ballon blanc» (Bādkonake Sefid), 1995). En 2003, il a aussi remporté le prix du jury Un certain regard pour le film «Sang et Or» (Talāye sorkh).
Dans les hauteurs de Téhéran, une famille roule de nuit. Le père (Ebrahim Azizi)est) conduit; à ses côtés, est assise la mère, en fin de grossesse. Leur fillette, sur la banquette arrière, demande à son père d’augmenter le volume du son : à la radio passe «Babaah», chanson devenue emblématique de liberté après que Sadegh Bana Motejaded a osé faire une danse endiablée sur cette musique. Le septuagénaire était filmé en train de chanter et de danser en public, la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux. Jafar Panahi commence fort avec le choix de cette musique et la symbolique qu’elle véhicule sur la liberté, sur la censure, sur les autorités et leur répression.
La famille roule en écoutant cette mélopée quand, soudain, la voiture heurte quelque chose. Des gémissements se font entendre, le père de famille sort du véhicule et revient en disant qu’il s’agit d’un chien. Hors champ, il met fin aux souffrances de l’animal. Ce petit accident pourrait paraître anodin mais, comme on peut s’attendre de la part de Jafar Panahi, ce sera l’élément déclencheur d’une succession d’incidents et de rebondissements.
Dans la scène suivante, un mécanicien nommé Vahid (Vahid Mobaseri) se rend auprès de la famille. Il doit revenir le lendemain matin avec une dépanneuse et emmener la voiture à son atelier de réparation. Alors que le père de famille se rend au garage, le mécanicien a reconnu le bruit caractéristique de la démarche boiteuse de son tortionnaire qui portait une prothèse. Le lendemain, Vahid lui assène un coup de pelle sur la tête, le jette à terre, lui attache les mains et les pieds, et lui bande les yeux, avant de l’embarquer, dans un coffre, à l’arrière de sa camionnette, un véhicule qui devient le lieu principal de l’action du film tourné dans une semi-clandestinité.
Au milieu du désert. Wahid prévoit d’enterrer le père de famille vivant. Mais, dans un moment de doute, Vahid convoquéera d’autres sixtemes du bourreau pur s’assurer qu’il s’agit bien de lui.
Panahi a eu l’intelligence de continuer à réaliser ses films pendant ces années de prohibition et de les envoyer dans les festivals. Par rapport aux films précédents du cinéaste, «Un simple accident» présente un scénario cohérent et bien pensé, inspiré par une histoire de souffrances, d’humiliations tues et de répression, outils d’un système, et de vengeance qui ne naît pas de la colère, mais d’une vieille blessure et d’un besoin viscéral d’excuses.
Avec «Un simple accident», Jafar Panahi prouve qu’il demeure un cinéaste de premier plan avec toute sa pugnacité, un cinéaste qui a toujours recherché la vérité dans le cadre de la caméra. Il revient cette année à Cannes avec une œuvre plus personnelle et douce-amère qui reflète ses années de silence et d’introspection, en particulier durant ses emprisonnements. «Un simple accident» parle du destin d’un tortionnaire mais, si on élargit la focale, il s’agit bien du destin inévitable de la République islamique.
Longuement ovationné par le public du Grand Théâtre Lumière qui s’est levé à son arrivée, le cinéaste iranien a dit qu’il ne craignait pas de rentrer en Iran.
Récompensé par la Palme d’or. Jafar Panahi a été accueilli par les applaudissements de ses fervents admirateurs à son arrivée à l’aéroport de Téhéran.
Firouz E. Pillet, Cannes
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